PTU : le polar formel de Johnnie To

PTU
2003
De Johnnie To
Avec : Simon Yam, Lam Suet,
Ruby Wong, Maggie Shiu
Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!


Une ballade nocturne onirique, pour un polar du plus bel effet. Partant d’une intrigue simple : lors d’un traquenard, un flic maladroit et corrompus (Lam Suet), se fait voler son arme. Il fait appel à Ho, chef de la PTU (Police Tactical Unit) (Simon Yam), pour l’aider à retrouver son arme et couvrir d’éventuelles «bavures».

Johnnie To se livre dans ce film très personnel, à un exercice de style visuel et narratif d’une perfection diabolique. Maintenant un suspense haletant et un climat surréaliste, le Maître fait une démonstration rare de la qualité de son cinéma. L’intrigue se déroule sur une seule nuit, une nuit faite de rebondissements en tout genre. PTU est un film ponctué de saynètes habiles qui aboutiront sur un final d’une ironie implacable. Une conclusion désappointée, mettant en avant la corruption d’un monde où règnent l’incompétence et le mensonge : «Toute personne portant un uniforme est des nôtres».



PTU marque les prémices ‘’politiques’’ du réalisateur Hongkongais, qui s’acharnera par la suite à décortiquer les mécanismes mafieux de son pays (1).
(1) Election 1 et 2
Exiled



February de Yuthlert Sippapak

N’oublie pas que tu vas mourir !


February
De Yuthlert Sippapak
Avec Sopitnapa Dabbaransi,
Shahkrit Yamnarm,
Joe S. Lee,
Bob Senkewicz

Qui aurait cru que Yuthlert Sippapak, le réalisateur du survolté Killer Tatoo, plongerait sa caméra dans les rues de New York pour en signer un film d’une romance improbable et d’une sensibilité à fleur de peau ?

Dans February, le génial metteur en scène thaïlandais nous balance, avec l’énergie de ses débuts, une histoire d’amour émouvante et terriblement vivante. Ironique destiné que celle de deux héros attachants, frappés par l’injustice de la vie et qui s’acharnent à vouloir être heureux malgré tout. Vivrent le présent, savourer l’amour et l’existence sans savoir que la mort les attend.
February narre la rencontre de deux êtres perdus, deux asiatiques dans une grande ville étrangère, peuplée de solitude. L’habileté de Yuthlert Sippapak est qu’au-delà de ce canevas à l’américaine, le réalisateur apporte une subtile variation du thème de la destinée, cher au cinéma asiatique (Karma). Dès lors, ce que les héros prennent pour leur destin, n’est peut-être qu’une circonstance de la vie, un hasard ironique qui pourrait bien leur être fatal.

Kaewta une jeune artiste peintre en galère, est atteinte d’une maladie presque incurable. Dans l’attente d’une opération à l’issue incertaine prévue pour Février, Kaewta profite de ce sursis pour se rendre à New York retrouver son ancienne meilleure amie avec qui elle s’était brouillée.
Sur le chemin elle va tomber sur Jee, immigré clandestin prêt à tout pour retourner en Thaïlande. Jee survit de tout, y comprit de coups foireux qu’il exécute pour les Triades chinoises. Lors d’une fusillade qui tourne mal, son ami se fait abattre et Jee renverse Kaewta qui perd connaissance. Prit par le remord, ou le coup de foudre…. Jee emmène la jeune femme chez elle, mais à son réveil, celle-ci a perdu la mémoire. Ne lui reste que son talent et une irrésistible envie de peindre. Pour tous les deux, une romance timide s’installe, Jee voit là une bonne raison de décrocher. Et cette amnésie apparaît un peu comme un cadeau du destin, l’opportunité de rendre vierges les pages de leur vie et de récrire leur histoire ensembles. Mais février approche, les triades s’en mêlent et c’est bien la mort qui risque de clore leur récit.

Laissant de côté l’action au profit de ses personnages, Yuthlert Sippapak, se perd toutefois dans des excès de lyrisme trop démonstratifs et une conclusion trop morale. Sans doute due à la volonté de s’adresser à un plus grand nombre et notamment à un public occidental.
Enfin en Zone 2 chez nous dispo notamment sur Asia diffusion.com 
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Blockbuster intelligent : The Host




The Host

De Bong Joon-Ho
Avec Song Kang-Ho,
Byun Hee-Bong,
Park Hae-Il


Attention, un des événements cinématographiques de l’année de 2006, est un film Coréen. N’en déplaise à certains, il s’agit en plus d’un film de monstre ! Mais un film de monstre, diablement intelligent, où l’élément fantastique est un artifice malicieux, conduisant des sujets vastes et profonds.





Et il en aura mit du temps à être distribué dans nos bacs. Frilosité des distributeurs français, face au ‘’ péril jaune’’ ? Préférence nationaliste ? (1)



Avec The Host, Bong Joon-Ho démontre que l’on peut s’adresser à tous, sans prendre les gens pour des idiots. Eh oui ! Le cinéma n’est pas qu’un vulgaire produit de consommation ! Et c’est cette attitude qui dévore la qualité de nos esprits et de notre jugement. (2)




Gigantesque brûlot écologique, doublé d’une charge politique corrosive et drôle. Le film de Bong Joon-Hoo (réalisateur du thriller choc Memories of murder) est un habile mélange de genre et avant tout un attachant portrait familial.




La famille Park, vit au bord des berges de la rivière Han, haut lieu de villégiature pour d’innombrables coréens. Le patriarche Park Hee-Ho tient un snack qu’il fait tourner comme il peut avec son fils aîné l’immature et maladroit Gang-Du (Song Kang-Ho, le flic violent et borné de Memories of Murder), mais père affectueux de la petite Hyun-Seo. Autour du patriarche, sa fille Nam-Joo, une championne de tir à l'arc timorée, le fils cadet Nam-Il, brillant, révolté et éternellement au chômage. Et enfin Hyun-seo la petite dernière, adorable et adoré de tous. Ce petit monde égocentré et fragile que le vieil homme tente désespérément de garder uni, se verra soudainement frappé par le malheur. Par une après midi ensoleillée, surgissant des fonds de la rivière, une gigantesque créature s’abat sur les berges, s’en prenant à tous les badauds, parmi eux, la jeune Hyun-Seo, enlevée par la bête et emportée au fond des eaux. Persuadée que celle-ci n’est pas morte, la famille Park va tenter de s’unir dans la douleur et l’espoir, afin de retrouver Hyun-Seo. Autour d’eux, toute la société coréenne s’ébranle (l’allégorie du SRAS n’est pas loin), la communauté scientifique brille par son incompétence, et les autorités américaines tentent d’imposer leur insupportable intendance.




A l’origine de ce désastre, des scientifiques militaires américains basés en Corée, qui déversent sans scrupules des produits toxiques dans les canalisations donnant sur la rivière. Le Fleuve Han, tout un symbole : de l’écologie à l’identité d’un peuple, ce lieu commun, refuge des plus démunis, devient l’antre d’une menace, par la présence parasite d’un monstre mutant, allégorie de l’ingérence américaine.




De part sa forme volontairement non linéaire et le ton alternant tragique et comique, le film de Bong joon-Hoo y va de son petit air de revanche, en réponse à plusieurs années d’immixtion américaine dans les affaires du pays. Evitant cependant les relents nationalistes nauséabonds, le réalisateur coréen n’épargne pas non plus ses compatriotes.



The Host est vraiment un film de monstres pas comme les autres, Par ailleurs, contrairement aux films de genre qui ménage l’apparition de leur créature, de prémices en apothéose finale (Alien), la bête (magnifique de surcroît) est ici dévoilée dès les premières minutes du métrage, exposée au grand jour. S’en suit aussitôt une scène catastrophe dantesque incroyablement osée de la part de Bong Joon-Hoo. Alternant avec une intelligence cinématographique remarquable l’humour et la gravité, Bong Joon-Hoo nous fait passer en quelques plans habiles de la tension au rire et du rire aux larmes. Mais à travers ce film de genre Bong Joon-Hoo nous parle avant de son pays (c’est une des rares fois qu’est abordé le Sao-ri avec les enfants SDF) et d’une famille imparfaite, mais attachante et de sa lutte face une Goliath à la fois réel et symbolique. The Host est définitivement une œuvre populaire et intimiste, à la gloire des petites gens, réussissant le mariage improbable entre la critique et le public.



En vérité voici un film qui possède toutes les qualités d’un blockbuster intimiste et formateur.




(1) Cessons d’aborder le monde comme de vulgaires consommateurs, mais comme des êtres pensants. Cette diatribe personnelle pouvant s’attribuer aussi bien au cinéma que dans la vie de tous les jours.
(1) Mais ouvrez un peu vos frontières et encouragez plutôt les productions françaises qui sortent des sentiers battus, plutôt que des films chiants réalisés avec les pieds ! Stoppez cette pédanterie et suffisance académique qui avorte dans l’œuf les projets créatifs. En s’ouvrant sur le monde et sa concurrence vos susciterez l’envie et l’enthousiasme des français de faire aussi bien, plutôt que l’envie de fuir vos produits !
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A Bittersweet Life


A Bittersweet Life

De Kim Jee-Woon
Avec Byung-Hun Lee,
Shin Min-a,
Kim Young-Cheol











Sun-Woo est un bras droit très dévoué, il ne se pose que peu de questions et fait preuve de peu d’état d’âme, quant il s’agit de servir au mieux les intérêts de la Famille. Mais les choses vont étrangement basculer pour lui, lorsque son patron, lui demande de surveiller une de ses maîtresses, Hee-Su, qu’il suspecte d’aimer un autre homme. Si cela est vrai Sun-Woo devra les éliminer. Seulement sans comprendre pourquoi, Sun-Woo est incapable d’agir et fait preuve de bonté. Ce changement lui sera fatal.


Kim Jee-Woon (2 Sœurs) se réapproprie les codes du polar hard-boiled et donne à son film une dimension philosophique, à la fois lyrique et intense. Nous sommes ici face un film noir extrêmement stylisé. Sa maîtrise est telle qu’il se permet même de jouer sur différents tableaux émotionnels, on passe ainsi du rire, aux larmes, de l’envoûtement à la terreur…



Il y a clairement 2 parties dans A Bittersweet Life, 2 étapes clefs dans la vie du héros et de l’une à l’autre on voit Sun-Woo s’enfoncer dans l’irrémédiable. La première dans l’Hôtel Palace QG de la Triade, est sans faille, à l’image de ces lieux, parfaite, lumineuse et froide. Le personnage de Sun-Woo (porté par le charisme de Byung Hung-Lee) semble se confondre avec le décor. Puis l’image se ternit, c’est la seconde étape, celle de la déchéance, jusqu'à une résurrection éprouvante (Sun-Woo enterré vivant par ses « amis ») survit et prend le chemin d’une vengeance autodestructrice. Ses parties, sous parties, sont habilement introduites, à travers de subtiles transitions métaphoriques « est-ce le vent ou les feuilles qui s’agitent ? Non, répond le maître, c’est ton cœur qui s’agite ! » Chacun de nous est maître de son destin, dans la vie, tout est une question de choix.


Attention Spoiler !







Une chose insignifiante peut entraîner une tragédie, et c’est là toute la noirceur et l’espoir de ce film. Ce n’est qu’au moment de sa mort que Sun-Woo comprend pourquoi il a agit ainsi, cette pensée sucrée, douce et amère, n’apparaîtra qu’à 3 moments dans le film, 3 sourires... nous sommes à ce moment dans l’intimité du héros, des pensées comprises trop tard. A Bittersweet life est une tempête cinématographique à voir, à revoir et à comprendre.


Dans certaines vies, aimer ou se surprendre à rêver, peut-être lourd de conséquences. Sun-Woo payera chèrement ses velléités.
On avait pas ressenti de telles émotions depuis Park Chan-Wook et son mythique Old Boy.

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Un autre regard : Beautiful Boxer

Beautiful Boxer
De Ekachai Uekrongtham
Avec Asanee Sawan, Sorapong Chatree,

Nukkid Boonthong

 
Voici l’incroyable histoire vraie de Parinya “Nong Toom ‘’ Charoenphol, un des plus grand champion de boxe Thaï, qui rêvait en secret de devenir une femme. L’histoire de ‘’Nong Toom’’, affectueusement appelé ainsi par les Thaïlandais, a conquit tout un peuple et il faudra tout le talent du réalisateur Ekachai Uekrongtham et de son acteur principal Asanee Sawan, pour rendre un hommage digne à ce héros national atypique, sensible et néanmoins redoutable boxeur.

Beautiful Boxer est un chef d’œuvre, sobre et émouvant, injustement guettoïsé (film gay, film Thaïlandais…), alors qu’il mérite amplement une distribution internationale. Pourtant ce n’est pas les palmarès qui manquent à cette oeuvre justement inclassable (1).
 
Dans le récit de cette vie, Ekachai Uekrongtham, fait preuve d’une mise en scène sobre et évolutive, teintée d’images magnifiques, d’une aptitude sans pareille à filmer le ring (les combats sont superbes), ou le quotidien du jeune héros.

Âpres et violents, les combats de Nong Toom incarnent la métaphore d’un homme qui s’accomplit dans la douleur, plus il s'affirme, plus ses adversaires deviennent violents. Mais pour Nong Toom s'est bien plus qu’un titre qui est en jeu, c’est son identité et son honneur et il s'aura à travers son incroyable maîtrise et son courage, dépasser la honte et gagner le respect de tous. Ce que l'on retiendra surtout et c'est là tout l'impact de cette oeuvre, c'est que l’apprêté du ring, n’est rien, face à la violence d'un conflit intérieur. Comme pour beaucoup d'entre nous, nous ne combattons pas les autres, nous nous combattons nous mêmes.
Beautiful Boxer enseigne le respect et s’adresse à ceux qui ont le courage de ne pas regarder dans la même direction que les autres. Et vous vous surprendrez très vite devant votre écran à vibrer comme tout un peuple, pour ce Beautiful Boxer !

(1) 54ème festival international de Berlin, Festival Iternationnal de Hong Kong, Grand Prix du festival international de Bruxelles, Prix du meilleur réalisateur au festival OUTFEST de Los Angeles, Meilleur scénario du festival Gay & Lesbien de Seattle, Meilleur Film du festival de Turin.
Tout en bas de la page, vous trouverez la Bande Annonce, ainsi qu'un reportage exclusif à la rencontre de ce personnage incroyable et touchant.
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COUP DE COEUR : Kwak Kyung-Taek


TYPHOON
De
Kwak Kyung-Taek
Avec : Jang Dong-gun,
Lee Jung-jae,
Lee Mi-yeon








L’actualité DVD met à l’honneur un véritable artiste ce mois ci, mais Typhoon, le dernier long métrage de Kwak Kyung-Taek, pourrait bien, malgré ses qualités, desservir ce cinéaste de talent.
Sans doute dépassé par l'ampleur du projet et tentant de rivaliser sous la forme d'un blockbuster, aux mémorables Shiri et JSA, le réalisateur coréen, semble parfois se désincarner, à travers l'appétance de producteurs désireux de surfer sur la vague mélo politique de l'éternelle guerre fratricide Nord/ Sud.
Typhoon, est certes un film d’espionnage bien construit et à l’action efficace, mais difficile d’échapper par moments à l’inévitable sentiment de ‘’déjà vu’’. Certainement soucieux, d’éviter les poncifs de rigueur et le trop ‘’bourrin tape à l’œil’’, Kwak Kyung-Taek, met l’accent sur les sentiments de ses personnages. Mais à trop vouloir se démarquer, le cinéaste se perd, dans des efforts mélos, parfois vains.




Il en ressort tout de même un film maîtrisé et fort plaisant, mais bien loin des sommets que Kwak Kyung-Taek avait pu atteindre avec : Champion et Friend.

L'espace de quelques lignes, un juste retour sur deux oeuvres intimistes, plus proches des capacités réelles de cet excellent metteur en scène.

Voici donc deux oeuvres sincères et personnelles, mettant en avant toute la sensibilité de Kwak Kyung-Taek.



CHAMPION
De Kwak Kyung-Taek
Avec : Jang Dong-Kun, Yoo Oh-Sung,
Seo Tae-Hwa, Jeong Wung-Taek


L’histoire vraie de Kim Duk-koo, champion de boxe qui trouva la mort dans un combat tragique contre le champion du monde Mancini, lors d’un combat particulièrement violent. Un drame qui bouleversa le monde de la boxe et des médias, remettant en cause les règles de ce sport.



Le parcours pugiliste d'un champion, mais aussi d'un homme humble et valeureux, de son ascension sociale faite dans la douleur et le sang. Sobrement bouleversant. Un bel hommage, et bien au-delà, du très beau cinéma.
Kwak Kyung-Taek est un cinéaste sensible et énergique et ça se voit !



FRIEND

De Kwak Kyung-Taek
Avec : Yoo Ho-Sung, Jang Dong-Kun,
Seo Tae-Hwa, Jeong Un-Taek, Kim Bo-Kyeong
Véritable carton au box office Coréen, cette œuvre que l’on pourrait comparer à "Il était une fois en Amérique", avec tout ce qu’il y a de plus élogieux dans cette association. Est bien au-delà d’une fresque romanesque, une touchante histoire vraie, celle du réalisateur en personne et du souvenir ému de ses amis.











Voici donc l’éveil, les désillusions et le réalisme brutal d'une amitié poignante, gangrené par le Milieu. On se passionne pour ces acteurs fabuleux et le portrait attachant que Kwak Kyung-Taek
dresse de ses anciens camarades.
Leurs années de lycée sont d'une telle violence, d’une telle énergie... A voir absolument !

En attendant je vous laisse apprécier en bas de pages, les bandes annonces...
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Dossier rêver le Monde : Citizen Dog


Citizen Dog
De Wisit Sasanatieng Avec Mahasmut Bunyaraksh,
Sangtong Ket-U-Tong

Attention film culte !!!











Il est pratiquement impossible de résumer ce film, sans en exclure toutes les richesses et les subtilités. Ici le moindre détail est un monde à lui tout seul. Dans ce manège cinématographique baroque, Wisit Sasanatieng nous invite à suivre l’apprentissage de la vie de Pott qui part pour la Capitale, découvrir le monde et l’amour.




Citizen Dog est un véritable festival, un rêve sur pellicule ou se succèdent scènes surréalistes et loufoques : un ours en peluche qui boit et qui fume, un motard zombi… . Celles-ci se fondent naturellement dans le quotidien du héros, nous invitant à travers ses rencontres à une plus grande ouverture d’esprit. Avec une utilisation fluide et presque naturelle de la CGI (la montagne de bouteilles en plastiques…), Wisit Sasanatieng enchaîne des plans plus beaux les uns que les autres, au service d’une narration claire et poétique.




Citizen Dog se prend comme on se réveille le matin, au sortir d’un songe tellement absurde qu’il en devient pertinent, pétrie de sens. Pour en posséder la clef il suffit de suivre le regard de Pott et de ne plus réduire la réalité à ce que nous croyons, ou selon les conventions étriqués et subjectives de notre société. Il ne s’agit point ici de redéfinir ‘’la normalité’’, mais d’accepter comme Pott que toute chose a une place sur terre, mais pas forcément là où on le croit !



Citizen Dog est un miroir, mais un miroir inversé de notre monde (un motard décède suite à une pluie de casques !), qui parle de tout, sans juger de rien. Qui aborde l’amour entre rire et émotion, qui se berce dans les traditions avec une excentricité touchante et respectueuse (le thème de la réincarnation). Citizen Dog nous donne simplement envie de dire ‘’merci’’.
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Dossier rêver le Monde : Locataires


Locataires
De Kim Ki Duk Avec Jae Hee, Lee Seung-Yeon,
Kwon Hyuk-Ho


Ou la vie par procuration selon Kim Ki-Duk






Tae-Suk est un jeune rêveur qui a une conception de la vie et une façon de vivre bien à lui, il arpente les rues à moto, à la recherche d’un appartement ou d’une maison désertée par ses occupants. Il pénètre par effraction ces lieux momentanément inhabités, non pas pour voler, mais pour y vivre l’espace de quelques heures tel un fantôme, se mettant en scène avec son appareil photo, réparant même les objets cassés ! Puis il s’éclipse avant que les propriétaires ne reviennent.

Alors qu’il visite une luxueuse demeure qu’il croyait inoccupé, Tae-Suk est surprit par Sun-Houa une jeune femme maltraitée par son mari. Leur étrange histoire peut commencer…


Kim Ki Duk nous promène dans cette romance surréaliste, avec ses héros énigmatiques, de maison en maison, de vie en vie, nous laissant libre de chercher, d’interpréter selon notre sensibilité la raison de cette errance. Est-ce une manière moins douloureuse de vivre, que de vivre dans le monde d’un autre ? Pourquoi remettre de l’ordre dans les choses, loin des regards ? Et face à l’amour que feront-t-ils ?



C’est d’une très belle manière que le réalisateur nous offre ses réponses. Kim Ki Duk, à l'instar de ses personnages, se réapproprie littéralement l’espace, de l’exiguïté d’une prison à l’ouverture cossue et labyrinthique d’une maison, dans un jeu de ‘’chat et de souris’’, des plus envoûtant pour le spectateur.
Terriblement intelligent, avec une mise en scène métronomique des champs et une gestion parfaite des comédiens, le réalisateur Coréen nous livre son film le plus abouti et le moins pessimiste de sa carrière. Locataires est un rêve sur pellicule dont on a du mal à décrocher.
Vivre à l’état de fantôme, est-ce un moyen de moins souffrir ?


''Il est impossible de savoir si nous vivons dans un rêve ou la réalité''.
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Dossier Génération Sacrifiée

Depuis notamment la rétrocession de Hong Kong en 1997, les cinéastes Asiatiques sont en pleine effervescence : désillusion, nihilisme… jamais le Septième art dans cette transition entre le 20ème et le 21ème siècle n’a été si sombrement poétique, radical, violent, réaliste et désabusé. C’est un regard alarmiste qui se pose sur un monde qui a littéralement consumé ses enfants.
Fruit Chan ouvre les hostilités avec cette déclaration d’amour énergique et underground pour sa ville et sa jeunesse perdue dans Made in Hong Kong, où il narre le parcours chaotique de 3 adolescents.
Mi-août, (Sam Lee) héros romantique et violent, narrateur off par certaines occasions, à la fois cynique et naïf, est une petite frappe dont la paresse et la fougue sont exploitées par une Triade locale. Il est accompagné de Jacky, son protégé, un attardé mental, fidèle et fragile. Dans leur errance, ils croisent Ah Ping, une jeune fille, belle… et malade qui attend sans trop y croire un donneur pour son rein.
3 électrons libres livrés à eux même qui tentent vainement de se raccrocher les uns aux autres et qui n’ont en commun que leur fraîcheur et une fascination morbide pour une jeune suicidée qui va bouleverser leur destin.
Une génération sacrifiée, pour un film marginal (1), qui fait presque office de documentaire sur la déliquescence de la société Hongkongaise, de la perdition de sa jeunesse et de l’abandon des classes populaires.
(1) Andy Lau apportera les fonds nécessaires afin de terminer le film.
Constat tout aussi amer au pays du Soleil Levant, avec le mythique Battle Royale de feu Kinji Fukasaku. Il est ironique d’ailleurs de constater que c’est un homme de 75 ans qui a su le mieux comprendre et exprimer la rébellion et les aspirations de la jeunesse nippone. Ironique, mais pas étonnant, quant on connaît le personnage, enfant des bombes de la Seconde Guerre Mondiale, l’homme a connu les horreurs du conflit et la bêtise des adultes.
Tiré du roman de Koshun Takami, Battle Royal est une claque cinématographique ultra violente sur fond de satire sociale. Un véritable manga live.
En partant d’un postulat choc : « seriez vous prêt à tuer votre meilleur ami ? », Kinji Fukasaku livre une caricature sanglante et sans appel de la Société Japonaise. Fustigeant le système éducatif, l’obstination et l’hypocrisie des adultes qui refusent d’admettre leur part de responsabilité.

Japon 21èmesiècle, dans un futur proche, la délinquance juvénile explose, les adultes ont perdu toute forme d’autorité. Pour remédier au problème, le gouvernement vote le décret Battle Royale, une loi martiale instituée afin de mater l’indiscipline des enfants de la Nation. Chaque année, une classe de lycée est tirée au sort pour participer à un jeu cruel. Les étudiants sont alors séquestrés sur une île pendant 3 jours, à l’issue desquels il ne devra en rester qu’un. Sous peine d’être exécutés. Afin de « motiver » les candidats, leur est remis un sac de survie, avec carte, boussole et « arme surprise » et autour de leur cou est attaché un collier piégé, qui explosera passé le délai.
On ne peut échapper au phénomène d’identification, tant les acteurs sont impressionnants (la moyenne d’âge des protagonistes se situe en 15 et 18 ans !). Mais bien au delà de sa violence graphique et thématique, Battle Royale par l’intermédiaire de la réalisation virtuose de Fukasaku nous questionne sur l’amitié, la fidélité… Un chef d’œuvre qui clame avec virulence qu’une société qui sacrifie ses enfants est une société condamnée.
D’une certaine manière, les adultes nous ont pervertis, condamnés à vieillir prématurément (le suicide du père de Shuya, la mère de Mitsuko qui contraint sa fille à se prostituer…), comme tous les ados de leur âge, les élèves de Battle Royale ont un lourd passé comme fardeau et n’aspirent finalement qu’à une vie meilleure.
Instantanément culte Battle Royale est devenu le paradigme de toute une génération.

Avec la même vigueur, mais accusant parfois (si peu) certaines maladresses, Kenta Fukasaku reprend le flambeau de son père sur Battle Royale 2 : Requiem. Il poursuit ainsi le combat que son père n’a pu achever, emporté par un cancer. « Nous déclarons la guerre aux adultes » dixit les enfants ayant survécu au programme Battle royale. Cet opus 2 reprend donc l’histoire là où on l’avait laissé, kenta Fukasaku fait d’ailleurs preuve d’une certaine virtuosité dans les scènes d’actions (la scène du débarquement n’est pas sans rappeler celle du Soldat Ryan de Spielberg). Cette fois ci d’autres enfants sont envoyés de force sur une île afin de débusquer les rebelles qui ont déclaré la guerre au régime. Le fils du réalisateur, animé par la volonté de transmettre le message de son père, en fait même un peu trop, mais on pardonnera vite ces excès, pour la sincérité des intentions.


Une autre révolte éclata, au Pays du Matin Calme cette fois, avec l’enfant terrible : Kim Ki-Duk. Il faut savoir que la Corée, ses 10 dernières années, n’a jamais été aussi prolifique en matière de chefs d’œuvres bouleversants ou de blockbusters énervés. Qu’on me pardonne si je passe volontairement sous silence le Maître Park Chan-Wook, mais le thème de ce dossier est celui de la jeunesse sacrifiée. Et sur ce sujet douloureux Kim Ki-Duk est sans doute le plus nihiliste et le plus amer des réalisateurs asiatiques, toute génération confondue. Il aborde avec un style frondeur, les tabous et les fêlures de son pays, dont la jeunesse Coréene est la première à en subir les frais.

A travers Samaria son dixième long métrage il aborde la question de la prostitution lycéenne. 2 adolescentes Yeo-Jin et Jae-Young rêvent de voyager en Europe et décident afin de financer leur périple de vendre leur corps. Yeo-jin gère les rendez-vous et surveille les passes de Jae-Young qui s’attache facilement à ses clients. Jusqu’au jour où tout dérape ; commence alors un douloureux voyage vers la rédemption, mais pas de qui vous croyez. Avec ce film, Kim Ki-Duk lâche une véritable bombe dans son pays et il ne cédera à aucunes concessions, dans ses portraits cyniques et blasés de la lâcheté des hommes. Il est important de noter que cette œuvre fut tournée en seulement 20 jours ! Samaria est une autopsie à « corps ouverts » des travers de l’humanité, de la faiblesse des hommes, de la fragilité des jeunes et surtout de l’hypocrisie d’une société coréenne en réelle crise d’identité.

Constat d’autant plus noir, avec une de ses œuvres précédentes : Adresse Inconnue. Bien qu’il s’agisse de la génération d’après guerre dans ce film, nul doute que la parabole avec la jeunesse actuelle est évidente. Je parlais un peu plus haut de la crise d’identité des coréens, Adresse Inconnue met le doigt sur des blessures profondes, qui traumatisent encore le pays : La guerre entre le Nord et le Sud, une nation scindée en 2, diminuée et humiliée par le diktat américain.


Réunies par le malheur, 3 âmes en peine, sans valeurs, ni repères, tentent de faire leur vie une Corée en partie détruite par la guerre, corrompue, soudoyée et asservie.
Kim Ki-Duk n’épargne personne dans ce film, avec une mise en scène volontairement crue. Adresse inconnue, apparaîtra sous beaucoup d’aspects comme un film sans espoir, dont on aura du mal à se remettre. Un film âpre sur la cruauté des hommes, et sur la perte de l’amour pour des jeunes qui n’ont plus espoir en l’avenir et en leurs pères. Mais dans ce film, c’est avant tout « la misère » le protagoniste principal. La misère d’un peuple meurtri. Encore une fois, comme souvent dans le monde, c’est la misère qui est le plus souvent responsable des douleurs que l’on s’inflige et que nous infligeons aux autres.

''L’homme est un être qui s’est condamné à la solitude ''
Dans ce syndrome destructeur un réalisateur vint ajouter sa touche et marquer le propos de ce dossier par une réponse (ou une question) des plus extrême : le suicide.
Avec Suicide Club, Sono Sion repousse un peu plus les limites du cinéma underground. Onirique et réservé à ceux qui aiment le cinéma hors normes, qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Mourir est-il un autre moyen de s’affirmer ? L’ultime rébellion ? Ou bien une mode ?

Station de Shinjuku, 54 lycéennes se jettent joyeusement sous le métro, devant une foule terrorisée. C’est le début d’une vague de suicides qui va submerger le Japon. La police piétine, la thèse du suicide « accidentel » est très vite écartée lorsque les enquêteurs reçoivent un sac, avec dans son contenu, des lambeaux de peaux des victimes cousus et enroulés. Les pistes se multiplient, sectes ? Club de suicide sévissant sur le net ? Meurtres ? Tout le monde s’interroge, y comprit le spectateur qui a l’impression d’être plongé dans un cauchemar surréaliste. Sono Sion filme ces mise à mort de manière très coquasse, presque ironique, ce recule volontaire nous permet d’endurer des images à la limite du supportable. Suicide Club est un film qui nécessite plusieurs lectures, qui se ressent plus qu’il ne se réfléchit, difficile d’en trouver la clef, à moins d’être à l’écoute, à l’écoute de nos enfants. (2)

(2) à ne pas manquer Suicide Club zéro (Noriko’s dinner table) la préquelle, qui bouclera sans doute la boucle.
En conclusion pour ceux qui comprendront ''restez connecté ''.


Nous terminerons le tour de cette balade cinématographique volontairement sélective, avec Dog Bite dog, le polar de Pou-Soi Cheang, un des choc visuel et narratif de cette année 2006. Dog Bite Dog démontre avec justesse et sauvagerie, comment les adultes/parents ont sacrifié leurs enfants sur l’autel du profit, à l’assouvissement de leurs pulsions. Dog Bite Dog est un coup de couteau qui vous ouvre le ventre pour fouiller les fêlures de l’âme humaine.



Pang, un jeune Cambodgien (Edison Chen remarquable dans un rôle qui casse littéralement son image), chair à canon déshumanisé, est envoyé à Hong Kong afin d’exécuter un contrat. Sa sauvagerie est telle, qu’aucun policier ne sera capable de l’arrêter, un jeune inspecteur sur le fil et retord avec le règlement (Sam Lee) se lance à sa poursuite, quitte à sombrer lui aussi dans un état animal proche de la destruction.

Qu’ajouter de plus, si ce n’est qu’en tous points le film illustre son propos de manière éloquente. Une photo magnifique, un climat lourd et sombre, une bande sonore faîte d’aboiements et de râles. L’homme est sans doute l’animal le moins noble de la planète.


Ce qui frappe surtout à travers la mise en scène et le scénario, c’est l’effondrement du modèle Confucianiste cher à une société Chinoise qui n’a pas su s’adapter au changement. Le ''père '' adoptif du tueur, n’est qu’un vulgaire marchand d’esclaves qui reniera son ''fils'' à un moment critique. Le jeune inspecteur découvre que son père policier qu’il prenait pour un modèle, est en fait un pourri, doublé d’un dealer, qui préfèrera le suicide plutôt que d’affronter le regard de son fils. La jeune SDF, recueillie par Pang, après que celui-ci est assassiné son père qui abusait d’elle. Le constat est dur, sans appel, sans retour et dans cette débâcle, on comprend mieux la violence de certains jeunes sans repères, sans espoirs, qui n’ont comme recours que la violence au service de leur survie ou de leur mort…

L’écrivain Jean-Michel Wyl a écrit ''Ce n’est pas pour rien que les bébés qui viennent au monde, naissent avec les poings fermés : ils savent déjà instinctivement qu’ils auront à lutter''.(3)


Pou-Soi Cheang a mis en scène cette maxime de façon magistrale.



(3) Source Mad Movies 197
'' Pauvres enfants, ce sont toujours eux qui paient les bêtises des grands, en attendant d'être en âge de faire soigneusement les mêmes."
Jean Anouilh
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